Nous publions ci-dessous un extrait d’une interview du directeur de l’Observateur Edouard Ouedraogo, accordée au quotidien le Pays le 22 mai 2008, à l’occasion du 35eme anniversaire de son journal. L’intégrale de l’interview est disponible à l’adresse www.lepays.bf

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Pouvez-vous nous faire, de façon succincte, l’historique du journal ?

D’abord, pour la petite histoire, sachez que votre directeur, mon petit frère et ami Sigué (ndlr, DP de “Le Pays”) a été une des plumes de ce journal quand il était directeur de la presse du président Saye Zerbo. Il signait sous le pseudonyme “Pélican”. Vous voyez que j’avais raison de dire que c’est la fête de toute la presse. Sans entrer dans les détails, les grandes dates qui ont marqué la vie du journal sont le lancement du premier numéro le 28 mai 1973 ; de 73 jusqu’à juin 1984 nous avons vendu sans problème, sans discontinuer. Le 10 juin 1984, sous la révolution sankariste, il y a eu l’incendie de l’imprimerie du journal. Après cet incendie, nous n’avions plus de moyen d’impression et cela nous a contraint à une traversée du désert de sept années. Après l’avènement du Front populaire, nous avons lancé un numéro le 27 janvier 1989 qui a été, je dirais, censuré. Le numéro est sorti à la surprise générale, et les autorités de l’époque, notamment les CR (ndlr, Comités révolutionnaires) ont jugé intolérable la parution de ce numéro et il y a eu une cavale qui a été montée contre le journal.

On a crié sur tous les toits que sa parution était illégale alors que ce n’était pas vrai et cela a conduit à la mise sous scellé de nos locaux du 30 janvier 1989 au 30 janvier 1990 et la coupure de la fourniture d’électricité. Cela veut dire qu’à partir du 30 janvier 1989, pour être sûr que nous n’allons pas pouvoir lancer un numéro, non seulement on a scellé les locaux, mais la SONABEL a été requise de venir décrocher le fil qui fournit le courant. Le 27 janvier 1989 il y a eu la reprise manquée du journal à travers le numéro 2856. Le 30 janvier est intervenue la mise sous scellé de nos locaux et, enfin, 15 février 1991, reprise définitive des parutions du journal sous l’appellation de “L’Observateur Paalga”.

Quand on a scellé nos locaux, les autorités ont eu le temps de prendre une ordonnance en date du 30 août 1990 faisant maintenant obligation à chaque journal, à tout journal qui a cessé de paraître quelles que soient les raisons, de demander une autorisation pour pouvoir paraître. Donc nous tombions maintenant sous le coup de cette nouvelle mesure. Nous avons sollicité une autorisation et on nous a dit que si nous voulions paraître de changer obligatoirement le nom du journal. Alors nous avons choisi de prendre désormais le nom “L’Observateur Paalga” (ndlr, “Paalga”, mot mooré, veut dire nouveau), parce que nous tenions à garder le nom “L’Observateur” avec son logo. Evidemment, à l’époque le contexte international aussi poussait à la démocratisation et cela a favorisé notre reprise sous le nom de “L’Observateur Paalga”.

L’Observateur a été incendié sous la révolution d’Août. Que reprochait-on exactement au journal ?

Je ne peux pas le dire avec certitude. Mais selon la logique de ceux qui étaient au pouvoir et qui était une logique de type marxiste, L’Observateur avait fini de jouer son rôle historique. Ce rôle historique a consisté, pendant une dizaine d’années, à permettre l’éclosion du débat, la maturation des idées y compris celles révolutionnaires puisque nous étions l’organe à travers lequel tout le monde, même les étudiants, exprimait ses idées. Justement, à travers nos colonnes, à partir de 1973 même il était déjà question de révolution démocratique et populaire. Mais comme nous sommes un journal d’informations générales ouvert à toutes les idées y compris même celles que nous ne partageons pas, on peut dire que ceux qui préparaient la révolution ont bien profité de nos colonnes. Est-ce que vous savez que Thomas Sankara, quand il était jeune officier à Pô, a été notre dépositaire ? Ce sont des gens qui se sont servi du journal parce qu’ils en voyaient une utilité. Mais à partir du moment où ils sont arrivés au pouvoir, ils estimaient que les libertés telles qu’on les conçoit sous les régimes bourgeois n’avaient plus de raison d’être. Permettre le pluralisme politique, permettre à tout le monde de contester le régime en place, cela n’était plus possible. C’est pour cela que “Sidwaya” a été créé le 5 avril 1984 et a été appelé “Journal d’informations et de mobilisation du peuple”. Mais Sidwaya, à côté de L’Observateur, cela ne marchait pas ; les gens ne l’achetaient pas parce que Sidwaya maniait la langue de bois alors que nous restions à côté le journal où il y avait quand même le souffle de la liberté. Cela ne pouvait pas durer. Et il y a eu plusieurs tendances, à cet effet, mais la trouvaille a été de brûler l’imprimerie. Là, il n’y avait pas de signature.

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Propos recueillis par Lassina Fabrice SANOU  Le Pays

 

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