Forum social du Burkina édition 2008 bilan

 

La deuxième édition du forum social du Burkina s’est tenu du 27 au 29 mars 2008 à Ouhigouya. On a compté environ 600 participants parmi les quels de nombreux paysans. Aussi les ateliers se sont en général déroulés en langues nationales. Vous trouverez de nombreuses informations sur cette édition à l’adresse http://www.forumsocialburkina.info/, en particulier, le programme, des discours ais aussi de nombreuses photos.

Nous vous livrons ci-dessous la déclaration finale, les articles du dossier qu’aconsacré l’Evènement à ce forum (source http://www.evenement-bf.net/pages/dossier_2_137.htm)  ainsi qu’une interview du père Jacques Lacour, responsable à la communication du forum.

 

 


Déclaration Finale de la Deuxième édition du Forum Social du Burkina

A la suite du premier Forum Social, tenu en mars 2007 à Loumbila (province de l’Oubritenga), les représentants de différentes organisations de la société civile du Mali, du Togo, du Nigeria, du Bénin, du Burkina Faso et d’Europe ont œuvré à concrétiser le vœu de la tenue d’une deuxième édition à Ouahigouya (Province du Yatenga) les 27, 28 et 29 mars 2008 autour du thème “Intégration régionale et souveraineté alimentaire”.

Cette rencontre nous a plus que convaincu de la nécessité de nous mobiliser pour construire un monde plus digne et plus juste sur le socle d’une économie plus humaine qui épargnerait notre monde d’une autodestruction programmée.

En effet, la sous région Ouest africaine, victime multiséculaire du pillage orchestré et entretenu par les puissants de ce monde, a aujourd’hui le devoir de se battre pour son mieux-être et celui de ses enfants.

Le Forum Social Ouahigouya 2008 est de ce fait un signe de la nécessaire solidarité que nos peuples doivent mettre en œuvre pour faire mieux entendre leur refus de continuer à subir les politiques dictées par l’ordre néo libéral, dont le système de valeurs n’est fondé que sur la marchandisation.

A l’issue de ces trois jours de travaux, les participants à ce forum ont retenu les recommandations suivantes pour interpeller tous nos dirigeants et toutes les consciences sensibles aux périls dans lesquels s’enfonce l’humanité. Il est urgent d’agir autrement et c’est pourquoi Nous, participants au Forum Social Ouahigouya 2008,

réaffirmons notre rejet de toutes les politiques néolibérales imposées à nos peuples et leurs dérivées mêmes déguisées;

rejetons avec force les Accords de Partenariat Economique (APE) dans leur forme actuelle;

condamnons toute violation des droits humains dans nos pays et demandons aux dirigeants de la sous-région d’œuvrer à une rapide et réelle concrétisation de l’intégration entre nos peuples;

réitérons notre refus de la corruption et de la mal-gouvernance dans toutes les sphères de la vie nationale. Elles constituent des sources d’injustice, de violence et de liquidation des droits fondamentaux de l’Homme;

réaffirmons également notre engagement à produire ce que nous consommons, et à consommer ce que nous produisons pour soutenir nos producteurs et pour vivre plus sainement;

exigeons l’adoption d’une réelle politique agricole plus cohérente

Qui intègre la souveraineté alimentaire,

Qui prenne en compte les revendications légitimes des producteurs,

Qui protège nos produits par les tarifs douaniers jusqu’à 50%,

Qui favorise les semences locales sélectionnées et améliorées,

Qui rejette les OGM qui menacent notre agriculture et notre environnement et nous enfoncent dans la dépendance,

Qui revalorise le prix du coton, refuse le coton Bt de Monsanto et fait la promotion du coton bio,

Qui favorise les productions locales rémunératrices pour les producteurs, et en particulier les filières biologiques,

Qui crée des réseaux efficaces de distribution et de commercialisation des produits agricoles.

Qui prenne mieux en compte l’élevage et la production du lait local en améliorant l’alimentation des bœufs, en valorisant la production du lait local et la marque “Burkina Lait”.Le combat contre la vie chère ne sera effectif que dans une réelle politique agricole.

Rappelons qu’il n’y a pas de souveraineté alimentaire sans sécurisation foncière, et que nul n’a le droit de s’approprier des terres au détriment des habitants et de la production alimentaire.

– Exigeons que soit développée une politique réelle d’intégration pour notre sous-région.

– Exigeons la levée des barrières frontalières pour la libre circulation des personnes qui est un droit fondamental

– Exigeons une réelle promotion de toutes nos richesses culturelles

– Exigeons que tous les droits des migrants soient les mêmes que ceux des pays d’accueil

– Exigeons une meilleure gestion de l’eau dans la sous région, qui est un patrimoine commun

– Exigeons une harmonisation et une coordination des systèmes d’éducation et de santé, l’interconnexion des infrastructures routières et ferroviaires, électriques, et tous les moyens de communication qui accompliraient rapidement l’intégration sous-régionale

 Exigeons le respect des femmes dans toute la sous-région, en améliorant la communication entre hommes et femmes, en éduquant les garçons, en cultivant la solidarité entre les femmes et en promouvant une culture de la paix

Oui, un autre monde est possible, où chaque homme et chaque femme pourra trouver sa place et sa dignité, travailler et vivre en paix parce que l’homme sera remis au centre des préoccupations politiques et économiques. Oui, un autre monde est possible, si nous sommes tous unis et solidaires pour construire par nos luttes ce monde que nous voulons. Un autre monde est possible, une autre Afrique est possible, une autre Afrique de l’ouest est possible, un autre Burkina Faso est possible.

Les participants au Forum.


Idrissa Barry

La deuxième édition du Forum social du Burkina s’est tenue du 27 au 29 mars à Ouahigouya, chef-lieu de la région du Nord. Des centaines d’altermondialistes ont fait le déplacement dans cette ville réputée pour la dureté de son climat et le courage de ses habitants. Si les débats ont été très riches et animés, l’organisation restait, elle, à désirer.

Samedi 29 mars. Il est 16h. Nous sommes dans la cour de l’école Dindélin où s’est déroulé l’essentiel des travaux du forum. La cérémonie de clôture du forum a pris fin il y a de cela 4h. Le départ des participants était prévu pour 14h, juste après le déjeuner. En principe, à 15h, la plupart des participants devraient être partis. Effectivement, à cette heure, plusieurs délégations avaient déjà quitté la ville. Il reste les participants venus de Ouagadougou et la délégation togolaise. Ils attendent depuis deux heures leur départ. Le car de l’archevêché qui les a transportés dans la cité de naaba Kango a percuté la veille un poteau électrique et se trouve immobilisé à la police. Il ne reste plus qu’un mini car pour ramener la quarantaine de personnes. Il appartient à l’ISSP de l’Université de Ouagadougou. Il ne peut prendre qu’une vingtaine de passagers. La solution trouvée par les organisateurs, c’est de payer des tickets pour la moitié de gens dans une gare de la place. C’est quand ceux-ci étaient dans le mini car pour la gare que les gendarmes sont arrivés. Ils ont demandé au chauffeur de descendre. Ils l’ont conduit à leur poste de surveillance situé à quelques mètres, dans la cour de l’école. On lui signifie que le car ne peut bouger car il y a certains frais qui n’ont pas été honorés par les organisateurs. C’est le commandant de la gendarmerie de Ouahigouya lui-même qui aurait ordonné l’immobilisation du car. Ils ont libéré le chauffeur qui est réparti demander à ses passagers de descendre, car le départ n’est pas pour bientôt. Il était presque 17h. Les organisateurs restés sur place couraient alors de gauche à droite pour débloquer la situation et permettre aux gens de regagner Ouagadougou. Les gendarmes ont bloqué également les clés du Centre de formation professionnelle de Ouahigouya (CFPO) qui héberge une partie des organisateurs. Ceux-ci ne pouvaient donc plus avoir accès à leurs matériels qu’ils devaient ramener à Ouaga. Qui appeler au secours ? Le président du comité national d’organisation, Pierre Nacoulima était injoignable. Il a quitté Ouahigouya depuis 15h pour la capitale. Depuis lors, ses camarades de l’organisation tentent de le joindre en vain. En effet, c’est tout fâché qu’il a quitté la ville. Depuis le début du forum, il est à couteaux tirés avec le président du comité local d’organisation, Amidou Ouattara. Renseignements pris, il s’avère que c’est Ouattara qui a demandé à la gendarmerie de bloquer le mini car et le matériel. Il explique qu’il y a des dépenses qui n’auraient pas été honorées auprès de certains fournisseurs et des frais de location et services. Il serait harcelé par ces derniers depuis la matinée et Pierre Nacoulima n’a rien voulu comprendre. Le forum ne lui a remis aucun kopeck pour régler toutes les dépenses engagées. Comme c’est son nom qui figure sur les contrats, il craint qu’après le départ des participants, il se retrouve seul face à ses prestataires. La quarantaine de personnes se retrouvaient ainsi pris en otage. Pire, on ne leur dit rien. On tente de leur cacher ce qui se passe. Il faut se débrouiller pour avoir l’information. Même dans des cas sérieux de prise d’otages, ceux-ci sont informés par leurs ravisseurs de leur situation. Les otages de Ouahigouya n’avaient pas ce privilège. Certains organisateurs ont réussi à s’extirper, les abandonnant avec les jeunes membres du comité face à Ouattara et à ses forces de l’ordre. Cette comédie ubuesque a duré jusqu’à 21h. Les organisateurs vont se résoudre à louer un car pour ramener ceux qui ont eu la malchance de venir avec les membres du comité de Ouaga. On ignore ce qui s’est passé entre temps pour que l’autorisation soit enfin donnée de laisser partir le mini car. C’est ainsi qu’ils ont pu regagner la capitale tard la nuit.

Quand un général  abandonne sa troupe
L’attitude du président du comité national d’organisation, Pierre Nacoulima, a été décriée par tout le monde. Non seulement, il s’éclipse sans crier gare, mais il se permet de couper toute communication en fermant son cellulaire. Une attitude que certains mettent sur le compte du mépris à leur égard. C’est tout au moins une fuite de responsabilité de sa part. Un général qui abandonne sa troupe mérite-t-il encore ses galons ? C’est la question que se sont posées bon nombre de personnes. Le comportement de Nacoulima vient atténuer le comportement inqualifiable du président du comité local, Amidou Ouattara. Ayant démarché lui-même pour être à la tête du comité, il s’est contenté d’assurer le service minimum tout au long du forum. D’abord il se fait attendre même par les officiels invités à la cérémonie d’ouverture. Le gouverneur est arrivé avant lui au lieu de la cérémonie. Il était injoignable et n’a pas daigné appeler pour prévenir de son retard. C’est lui qui aurait donc causé le grand retard constaté lors de l’ouverture. Pendant le forum, la plupart des éléments de son comité ont brillé par leur absence. Les femmes commises à la restauration ont littéralement déserté leur commission sous le prétexte que l’argent est géré par leurs camarades venues de Ouaga.

Pilotage solitaire du président local
Aucun travail sérieux n’a été fait avant le forum. Le président du comité local n’a pas travaillé à rassembler les autres acteurs de la société civile du Nord. ” La faute revient aux responsables de Ouaga. Quand on veut organiser une telle rencontre, il faut avoir une approche plus participative dans le choix des membres du comité d’organisation local. Il fallait faire des communiqués dans la presse invitant toutes les structures à la mise en place du comité”, soutient Etienne B. Ouédraogo du Mouvement pour la promotion de la dignité. Tasséré Savadogo, coordonnateur des organisations de la société civile du Nord affirme n’avoir pas été associé non plus. Cela a conduit à un quasi boycott du forum par les nombreuses organisations de la société civile de la ville. Si fait que la plupart des habitants de Ouahigouya ignoraient la tenue du forum chez eux. Les médias locaux ont été peu mis à contribution avant et pendant le forum. Ce volet qui fait le succès des forums des autres pays a été négligé par les organisateurs de Ouaga comme de Ouahigouya.
Entre les commissions, il y avait énormément de dysfonctionnements. La dernière journée a été la plus éprouvante. Le programme de la journée n’est pas très chargé comme les deux précédents jours. Une marche, des rencontres paysannes et de femmes sont au programme avant la clôture officielle du Forum prévue pour 12h. Mais ce programme reste indicatif. Il ne sera pas du tout respecté. D’abord la marche a débuté avec une heure de retard et sans une bonne partie des participants au forum. Hébergés sur trois sites différents, les participants n’ont pu se retrouver à la même heure pour la marche. La faute revient aux deux commissions hébergement et transport qui n’ont pu coordonner le déplacement des gens sur le site du départ de la marche. C’est donc un petit monde qui a arpenté quelques artères de la ville. On aurait espéré mieux d’un forum social qui est à sa deuxième édition et tenue dans une importante ville comme celle de Ouahigouya. Le pari de l’organisation reste à gagner. Comme les altermondialistes eux-mêmes le disent et le réclament ” un autre monde est possible “, on pourrait dire du forum du Burkina qu’une autre organisation est possible et souhaitable.

Source : l’Evènement du N°137- 10 Avril 2008

 

 

  Cet article a donné lieu aux précisions ci-dessous


 

Communiqué au sujet
du forum Social Ouahigouya 2008

Suite à la publication de l’article intitulé ” Forum social du Burkina : une autre organisation est possible ” dans le journal L’événement du 10 avril 2008, une délégation du comité national d’organisation du forum social a rencontré la direction du journal le mardi 22 avril. La délégation du forum social que conduisait le président du comité d’organisation Pierre Nakoulima était composée de André Somé, Djibril Barry et Georges Compaoré. D’un commun accord, les deux parties ont convenu de la publication de ce communiqué. L’entretien qui s’est déroulé dans une ambiance cordiale a été l’occasion de passer en revue les aspects incriminants de l’article. Le président du forum social fait remarquer que la question financière évoquée n’est qu’un prétexte pour les détracteurs de son organisation car il n’est en rien mêlé à la gestion financière du séjour des forumistes à Ouahigouya. La commission qui était chargée de cette gestion a fait de son mieux et au jour d’aujourd’hui, le forum social ne doit un franc à personne. Il ne s’agit donc pas ” d’un général qui abandonne sa troupe ” car contrairement à ce que dit l’article, la communication n’aurait jamais été coupée entre le président et certains responsables de commissions restés sur le site du forum. Il se peut que certains appels aient été effectués quand le président était hors réseau au cours de son trajet, laissant croire à la fermeture de son cellulaire, comme l’a laissé apparaître l’article.
Il reste donc à regretter l’attitude inexplicable de la gendarmerie de Ouahigouya dans cette prise d’otages injustifiée, car jusqu’à ce jour, les organisateurs n’en connaissent pas les mobiles réels. Au demeurant, l’organisation nationale du forum n’est pas fermée à la critique constructive ; elle est même convaincue que le forum social a encore de beaux jours. La direction de L’Evénement qui s’est félicitée de cette rencontre d’explications a de son côté donné des précisions sur le contexte et le climat particulièrement tendu dans lequel se sont déroulés les événements rapportés, et a pris bonne note des informations complémentaires fournies par la présidence du comité. Le comité d’organisation profite de l’occasion pour remercier les bonnes volontés qui ont œuvré à la tenue de cette première expérience de décentralisation du forum qui s’est déroulé non sans difficultés. Un autre monde est vraiment possible

Site du forum : www.forumsocialburkina.info

Pour le comité d’organisation : Pierre Nakoulima
Pour le bimensuel L’Evénement : Germain Bitiou Nama


 

 

Les producteurs  au rendez-vous

 

Les conférences, ateliers et espaces de débats n’ont pas été les seules activités du forum social tenu du 27 au 29 mars à Ouahigouya. En marge du forum, il y a eu une foire des producteurs agricoles qui a permis de traduire les débats pendant les rencontres sus-citées en actes concrèts. Cette activité a répondu également à l’esprit du thème du forum qui était : “intégration régionale et souveraineté alimentaire “. Les producteurs des petites agglomérations non loin de Ouahigouya étaient au rendez-vous. Ils ont montré ce qu’ils produisent avec les moyens de bord. C’ est ainsi que les maraîchères et maraîchers de Bourbo dans le département de Oula ont exposé des oignons. Adama Sawadogo le représentant de l’association à la foire a déclaré qu’ils produisent des oignons, des tomates, des choux, des pommes de terre, de la salade, du piment, des poivres et des aubergines. Pour réussir dans le maraîchage, il faut de l’eau en quantité suffisante. Le Yatenga est réputé cependant etre une zone aride. Alors que font- les producteurs ? Sawadogo soutient qu’ils ont profité d’une barrière occasionnée par la réfection d’une route. Le fait que la barrière retienne les eaux des pluies leur permet d’arroser des périmètres de maraîchages qu’ils ont aménagés à coté. Le soutien de l’association mixte des maraîchers du village de Bourbo est l’association Koom qui s’investit dans l’aide à la production agricole. Le gros lot des travailleurs dans ces périmètres maraîchers sont des femmes. Elles sont plus de 100 et les hommes sont au nombre de 17. Leur souhait souligne Adama Sawadogo c’est de disposer d’un grillage d’enclos, des moyens pour creuser des puits et des motos pompes pour l’aspiration de l’eau. Cela pour faciliter l’arrosage dans les périmètres. Le goulot d’étranglement a expliqué le représentant de l’association de Bourbo c’est l’écoulement. La commercialisation des productions est problématique. “C’est des individus qui viennent acheter. Il y a des moments où certains légumes pourrissent faute d’acheteurs. Des fois, on est obligé de les brader”. S’indigne-t-il. L’Association Bagyalgo s’investit dans le même secteur d’activité avec 107 femmes et 13 hommes Youssouf Ouédraogo l’un des leurs se dit confronté aux mêmes problèmes matériels. Le souci actuel des membres de Bagyolgo c’est d’avoir des charrettes pour le transport des légumes et des brouettes pour des travaux dans les périmètres. A la foire des altermondialistes on pouvait trouver outre les produits maraîchers, du lait pasteurisé, du soumbala amélioré et plusieurs articles venant de la production agricole du pays de naaba yadéga. La mobilisation n’était pas des grands jours pour cause de défaillance du comité local d’organisation, mais en terme de symbole la foire a tenu son pari.

Merneptah Noufou Zougmoré

Source : l’Evènement du N°137- 10 Avril 2008


 

 

Les APE au centre des débats

 

Les accords de partenariat économique (APE) occupent l’actualité. Les organisations de la société civile de l’espace de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) se sont mobilisées pour dire non à leur signature. La signature était prévue pour le 31 décembre 2007. Elles ont gagné la bataille mais pas la guerre car la signature des APE est toujours à l’ordre du jour. La date butoir était prévue pour le 31 mars dernier.
Le forum social de Ouahigouya s’est penché sur cette réalité à travers le thème : “accords de partenariat économique, produits sensible et souveraineté alimentaire”. La confédération paysanne du Faso, une des têtes de proue de la lutte au Burkina, à travers un de ses membres, Amadou Tamboura a donné le point de vue de la structure paysanne à travers une communication. Pour lui la pression exercée par la société civile à permis aux négociateurs de l’union Européenne de proposer des produits sensibles à exclure de la négociation. La confédération paysanne du Faso ne se fait d’illusion quant aux effets néfastes que cette signature pourra produire sur la production agricole des pays ACP dont l’Afrique de l’ouest fait partie. C’est en cela que Tamboura croit que tout produit agricole est sensible. Par conséquent, pour préserver la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire, il y a lieu de considérer que tous les produits agricoles sont sensibles. Pour ce qui concerne les conséquences de la signature des APE, Amadou Tamboura a dit ceci: “le rapport du parlementaire français Jean Claude Lefort en parlant de choc budgétaire, industriel et agricole démontre bien les conséquences d’un APE tel qu’il se présente sur notre système de fiscalité de porte (Recettes douanières), sur nos industries toujours embryonnaires et sur notre agriculture. Une agriculture faut-il le rappeler, peu productive en dépit de ses performances.” Outre l’atelier sur les accords de partenariat économique et la souveraineté alimentaire les jeunes se sont retrouvés dans un espace pour débattre de leurs préoccupations. Il s’agissait “du rôle de la jeunesse dans l’altermondialisme”. Mais le débat s’est focalisé beaucoup plus sur la problématique de l’engagement des jeunes dans les différentes luttes pour leur épanouissement. Pour certains intervenants, les jeunes ne sont pas suffisamment engagés .Pour d’autres, c’est le contraire. Ces derniers s’appuient sur les hautes luttes mémorables du peuple malien à travers sa jeunesse pour l’instauration de la démocratie au Mali en 1991. Le combat de la jeunesse ivoirienne pour faire face à l’hégémonie française soutenue de l’intérieur par une horde de bandits en est une autre illustration. Les jeunes ont émis le vœu que des débats sur la nation, sur l’Afrique et sur l’avenir du monde nourrissent les causeries dans les grains de thé et dans d’autres lieux de rencontre de jeunes.

Merneptah Noufou Zougmoré

Source : l’Evènement du N°137- 10 Avril 2008


 

 

Interview du père Jacques Lacour, responsable à la communication du forum social

 

Source: San Finna N°458 du 07 au 13 Avril 2008http://www.sanfinna.com/

 

Le Forum social internationalement connu et dont le Père Jacques Lacour est une des chevilles ouvrières, vient de se tenir à Ouahigouya. Le moment, comme on le sait, est dominé par une crise internationale et par une crise nationale à multiples facettes marquée par des émeutes mais aussi par l’éviction de Salif Diallo du gouvernement.

Nous avons approché le Père pour qu’il nous en dise un peu plus.

 

– Quelle était l’ambiance à Ouahigouya et comment se sont déroulés les travaux ?

Père Jacques Lacour, Responsable à la communication : Et bien, pour la deuxième fois, à Ouahigouya, nous avons réussi notre pari : 600 personnes ont répondu à l’appel du forum social, ont fait le déplacement et se sont approprié les questions de société qui leur ont été proposées et celles qui les préoccupent. La participation a été très intense et le témoignage des participants touchants. Il est bon de voir des paysans se lever pour dire leurs préoccupations ; il est bon de voir des femmes prendre la parole pour dire des convictions et dénoncer ce qui ne va pas. Il y a eu 2 panels (un sur la souveraineté alimentaire ; l’autre sur l’intégration régionale) 30 ateliers et plusieurs espaces de libre expression et de témoignages.

On prend conscience alors que si on leur donnait vraiment la parole, beaucoup plus souvent, si on les associait réellement à des politiques agricoles intelligentes et réfléchies à long terme, prenant en compte leurs soucis et les enjeux de notre avenir économique, alors les choses pourraient aller nettement mieux. Mais qui veut écouter les paysans ? Qui « craint » les paysans pour se mettre à leur école? Nos autorités continuent à leur imposer des politiques qu’ils ne comprennent pas, et pour cause ! Les politiques se réduisent souvent à des successions de programmes mal adaptés et à court terme…

L’ambiance fut bonne aussi car chacun a pu faire des rencontres avec d’autres, discuter d’expériences très diverses, partager des idées ; certains ont échangé des adresses, se retrouveront, continueront à échanger… Les délégations étrangères (Mali, Togo, Bénin, Nigeria) ont été particulièrement heureuses de participer à nos travaux.

– Que retenir de ce forum ?

Il est bien difficile de résumer en quelques mots la richesse de si nombreux échanges. Je vous invite donc à lire la « déclaration finale du deuxième forum » dont la presse quotidienne s’est fait l’écho et qui figure sur le site du forum. (http://www.forumsocialburkina.info)

Au cours de ce deuxième forum, nous constatons que les mêmes questions reviennent, que les soucis des populations sont les mêmes : les paysans veulent vivre correctement de leur travail, mais le monde qu’on leur prépare va devenir de plus en plus dur pour eux, parce qu’ils sentent bien qu’il est construit sans eux et même souvent contre eux. Dans le cadre de politiques faites sans eux et obéissant trop souvent à des intérêts extérieurs…

Les APE dans leur forme actuelle ruineront l’agriculture familiale ; les OGM vont nous rendre dépendants d’une seule multinationale prédatrice (Monsanto) ; corruption et mal gouvernance empêchent notre pays de progresser ; nous devons produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons, viser la souveraineté alimentaire en protégeant notre agriculture, favoriser l’intégration régionale trop freinée par nos dirigeants, défendre la dignité humaine partout, au pays et sur les routes de l’exil, permettre aux femmes d’être mieux respectées et entendues.

– Pensez-vous qu’il y ait des chances que vous soyez entendus par les autorités ?

Dès notre arrivée à Ouahigouya, nous avons eu un interlocuteur d’une très grande sagesse en la personne du gouverneur de région qui nous a très bien accueillis et qui nous a semblé vraiment très attentif aux préoccupations des populations reprises par le forum social. Par lui, peut être, la parole des petites gens – que le forum tente de transmettre — pourra être entendue dans les sphères des décideurs.

Oui, nous souhaiterions que les autorités politiques de Ouaga cessent d’aller vers les populations paysannes avec autre chose que des discours tout faits qui ne laissent aucune place à la parole vraie et directe des paysans. On a l’habitude de dire qu’il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre… C’est l’impression que nous donnent trop souvent les autorités politiques quand on aborde des questions comme les APE, les OGM, les circuits de commercialisation, une politique agricole incluant la souveraineté alimentaire, les nécessaires soutiens à l’agriculture familiale… ou les tracteurs détournés (dont l’affaire, confiée à la justice, traîne comme d’habitude en longueur et pourrait bien se terminer par un non-lieu !)

Oui, nous souhaiterions que les autorités écoutent davantage les populations rurales et leurs préoccupations ! Mais avec les temps de crise qui viennent, elles y seront sans doute contraintes.

 

– Nous venons de lire dans « Le Pays » de ce jeudi 3 avril une interview de Mr Amos Tincani, Ambassadeur de l’UE au Burkina Faso. Il a dit : «C’est une fausse affirmation que de dire que les APE vont mettre en danger l’agriculture ouest africaine ». Que pensez-vous de cette sortie de l’ambassadeur Tincani ?

Les APE, nous disait l’an passé au premier forum, une dame productrice de lait, c’est pire que le SIDA : Le Sida, on sait comment s’en protéger, les APE, on ne sait pas. La libéralisation des marchés, les importations de sous-produits de l’agriculture européenne (culs de dinde ou autres) ou de produits subventionnés, le refus de soutenir l’agriculture familiale, les impôts sur le monde agricole qui vont être mis en place, tout cela met directement en danger l’agriculture familiale « ouest africaine ». Celui qui dit le contraire ne me semble pas dire la vérité. Ils sont très nombreux ceux qui l’ont déjà dit.

L’ambassadeur Tincani est représentant de l’Europe et il est tenu de dire cela, même s’il n’y croit pas. Ne dit-il pas au début de son interview qu’à part l’Ile Maurice et le Botswana, aucun pays d’Afrique n’a été réellement gagnant dans les accords précédents qui incluaient la dimension « développement » et étaient « asymétriques » ? Malgré ces accords, la pauvreté a progressé, l’Afrique n’a pas décollé économiquement. Qu’en sera-t-il d’accords « réciproques », n’incluant pas la dimension « développement » ? Une catastrophe annoncée !

L’agriculture ouest africaine a besoin d’être protégée (et surtout pas libéralisée), pour atteindre la souveraineté alimentaire. C’est parce que l’Europe n’a jamais aidé l’agriculture ouest africaine à devenir forte – avec la conspiration des dirigeants africains – que l’on connaît aujourd’hui aussi fortement le phénomène de la « vie chère » : nous consommons ce que nous ne produisons pas, nous ne consommons pas ce que nous produisons !

 

Père Jacques Lacour BP 332 Koudougou

jacqueslacourbf @ yahoo.fr

  

 

Forum social du Burkina
Une autre organisation est possible

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